Dans le même genre et de la main du pape :
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Plus qu'une voiture, une Ambiance...par Jacques POTHERAT
Ils n'étaient pourtant pas mauvais ces petits Amilcar, c'étaient même de très bons cyclecars, d'excellentes voiturettes, mais les Salmson devaient être meilleures. Si tant est qu'il n'existe de miracles nulle part, il ne s'en trouve encore moins en automobile...
Non pas une bombe, mais un pétard mouillé...Pourtant le départ avait été pris, si l'on peut s'exprimer ainsi, pour des roues Rudge, sur les "chapeaux de roues". Encore marquée de la tache originelle cyclecariste, avec une cylindrée voisine de 1100 cm3. et un poids inférieur à 350 kilos, on aurait dû avoir entre les mains une véritable petite "bombe". Ce n'était malheureusement qu'un pétard mouillé...
Un choix considérable de carrosseries séduisantes, constituaient en fait l'atout maître de la marque : beaux C.G.S. aérodynamiques, aux fausses allures de voitures de Grand Prix, plus vrais que nature ; carrosseries Skiff en bois exotiques, propres à faire rêver des tribus de pagayeurs sioux ; C.C. entoilés, fragiles les nacelles légères et graciles comme des cellules de Blériot ou d'Antoinette, fuselées comme des Zeppelin. Tout ces modèles étaient propres à décharger les inhibitions de leurs heureux propriétaires.
L'Amilcar, tape à l'oeil, c'était le grand "Bernard l'Hermite" de la gent cyclecariste, magnifique coquille abritant un ridicule insecte : le moteur.
De mécanique ? point, ou si peu... tout .juste un propulseur rudimentaire. Mais quel échappement !
Les techniciens de Salmson eurent à cœur, tout au long de leur carrière, d'ignorer les sciences subtiles et délicates de l'échappement. Faute de concilier judicieusement, tubulures, mégaphones et , décibels, leurs moteurs n'exhâlaient que cliquetis asthmatiques, bâillements à peine contenus, ou soupirs polis. La mélancolie de l'enfant trop bien élevé, éternellement sage, ennuyeux.
L'Amilcar s'annonçait de loin, cancre, m'as-tu vu, agressif, un tantinet frondeur. Une sonorité ronde, pleine, agressive, un pied de nez. . . On doublait "pied à la planche", la vanne de l'échappement libre ouverte à fond, gueulante. L'honorable et respectable père de famille, calé au fond de sa 'berline, recevait alors à pleine puissance, le coup de pied au cul d'une génération heureuse de vivre, ravie de ne pas avoir eu dix-huit ou vingt ans entre août 1914 et novembre 1918.
Il y avait aussi des amateurs pour les bananes de Joséphine Baker.C'étaient les années réputées "folles", dont nous n'ignorons plus les sempiternels clichés : la "garçonne", Modigliani, dans sa soupente, se mourant dans les affres de la phtisie galopante, au milieu d'un Montparnasse indifférent (où il était déjà de bon ton de voir le tout-Paris s'afficher pour la plus grande joie et la prospérité des limonadiers). On allait volontiers s'encanailler à Pigalle, mais les vrais durs préféraient faire la loi sur les "fortifs". Paul Poiret rêvait de voir défiler dans ses trois péniches-ateliers de couture, toutes les houris de Mahomet. Pendant que son frère Raymond s'exhibait en péplum et spartiates, dans un Saint-Germain-des-Prés qui n'étaient pas encore la "poubelle à snobs", Isadora Duncan se pavanait en Amilcar sur la Promenade des Anglais, au côté de beaux jeunes gens soigneusement gominés au "Bakerfix" ; une vie trop courte pour une écharpe trop longue (re-cliché). . . De cette époque, les mythes nous abusent.
Incontestablement, le Salmson était le meilleur, hélas il portait en lui l'infinie tristesse du premier de la classe ; la sclérose des jeunes filles "bien pensantes" élevées dans les principes, ce je ne sais quoi qui n'incite guère au viol.
L'Amilcar était le plus beau, le plus désirable. Il faisait envie, et c'était suffisant. (Un peu quand même la Bugatti du pauvre, ou plutôt du pas tout à fait riche).
Il y avait en fait deux clientèles aux aspirations distinctes : l'une applaudissant sans réserve Joséphine Baker, ses négritudes, ses cocotiers et ses bananes ; l'autre déjà sensible au saxophone du jeune Sydnet Bechet.
L'Infâme chenille devenue papillon...Nous allons voir comment une marque, née sous d'heureux auspices ne gagna qu'un nombre restreint des épreuves auxquelles elle prit part, s'abstenant même, vers la fin, de figurer en même temps que les Salmson sur une grille de départ !
Les premières compétitions se déroulaient entre gens du meilleur monde, la victoire pour Salmson, la deuxième place pour Amilcar, on "remettait ça" dans l'ordre inverse à la prochaine occasion, la première place pour Amilcar et la deuxième pour Salmson, et ainsi de suite. . . pour le plus grand plaisir des pilotes, des clients et des commanditaires. Si d'aventure un outsider (E.H.P, Sénéchal, Mourre ou autres Mauve . . . ) venait troubler cette belle ordonnance, réputée immuable, on devait cet évènement à une panne immobilisant l'une des deux équipes rivales, voire les deux à la fois. Tout aurait pu durer ainsi éternellement, si... si l'infâme chenille n'était devenue papillon.
Emile Petit, sans doute lassé d'une clientèle d'anciens combattants nostalgiques, se fiant aveuglément à une réputation acquise par Salmson au temps où ses pilotes se distinguaient dans un ciel de gloire, décida enfin de construire un vrai moteur. Pas n'importe quoi, non, un "double arbre", un vrai, un chouette, avec soupapes desmodromiques, bielles légères, et même, pour les raffinés, un compresseur, un vilebrequin à rouleaux et un double allumage. On allait montrer ce dont on était capable...
Pégase en avait un coup dans l'aile.Du côté de la rue du Chemin Vert, avec un moteur "tristement teuf-teuf et latéral", on se préparait un avenir de larmes de sang.
Casse, Goutte, Bueno ou Desvaux, et bien d'autres encore, devinrent des noms vite familiers du service course Amilcar ; ils figuraient en tête du palmarès de chaque manifestation, au Ventoux, au Grand Prix des Cyclecars, au Bol d'Or et même hors de nos frontières, à Brooklands ou Saint-Sébastien.
Au début, on essaya bien de résister, de relever le gant, en appuyant un peu plus sur l'accélérateur et un peu moins sur les freins, on prit plus de risques. On alla même jusqu'à soigner la présentation publique, ainsi au Bol d'Or 1925, on aligna trois voitures peintes, l'une en bleu, l'autre en blanc, et la troisième en rouge. Peine perdue, Salmson était toujours en tête !
De courses de côte de seconde ou troisième catégorie en fêtes et réjouissances villageoises, meetings de sous-préfecture ou de chef-lieu de canton, l'équipe Amilcar en arriva à ne plus oser sortir. La mine piteuse, réduits à suivre l'événement à travers la presse, Morel et les deux frères Mestivier devaient certainement envoyer le coursier au kiosque du coin de peur d'être reconnus....
Les ventes cependant ne marchaient pas trop mal, des Amilcar on en achetait encore suffisamment. Pour aller promener sa petite amie sur les bords de la Marne ou dans les bois de Saint Cucufa, ou en trouver une en jouant les sportifs aux terrasses de Montparnasse à grands coups d'échappement libre. Les pères fortunés offraient de beaux C.G.S. longs comme des havanes, aux jeunes gens méritants et boutonneux, élèves de Louis le Grand, Janson où Stanislas. Où en achetait pour aller en famille, le dimanche, planter des radis à Maisons-Laffitte ou porter une azalée à la grand'tante de Becon-les-Bruyères.
Pour courir, bien entendu, personne n'en voulait plus, Pégase en avait un coup dans l'aile.
Sur la nappe d'une brasserie...A la fin de 1924, devant l'ampleur du désastre, la résistance s'organise activement, sous l'égide du Conseil d'Administration de la Société Amilcar. En étroite collaboration, l'ingénieur "maison" Edmond Moyet, Morel et Mestivier, noircissent des rames de papier à longueur de journée. (André Morel et Edmond Moyet étaient en fait les fondateurs ou plutôt les créateurs d'Amilcar. Leur association naquit d'une rencontre en 1920 au restaurant Exelsior, rendez-vous du gotha de la Porte Maillot. A la fin du repas particulièrement bien arrosé, sur la nappe copieusement recouverte de crayonnages, on pouvait discerner les grandes lignes du futur cyclecar). Revenons donc à notre triumvirat, qui, s'inspirant de la 12 cylindres Delage du Grand Prix de l'A.C.F., donna naissance à une petite merveille, synthèse de ce qui se faisait de mieux alors en matière de technique automobile : 1100 cc., 6 cylindres, double arbre et compresseur. La cylindrée avait été choisie pour courir en "voiturettes" la formule Grand Prix ayant été ramenée à 1500 cc. pour la saison à courir.
Le prototype tentait ses premiers pas à la fin de l'été 1925, tournant à la moyenne de 95 kilomètres dans la dernière heure. André Morel et Edmond Moyet eurent alors une pensée pour Marius Mestivier, qui avait trouvé la mort aux 24 Heures du Mans (Morel et Mestivier faisaient équipe l'accident se produisit aux premières heures de la nuit).
Les experts et la presse spécialisée, accueillirent avec enthousiasme la nouvelle venue. Parmi les épithètes variées, métaphores et périphrases diverses, on pouvait relever fréquemment "Grand Prix en réduction" ou "petite Delage", ce qui est un compliment ; néanmoins elle s'affirma comme ayant son caractère propre et ne devant rien à personne. Charles Faroux, le grand journaliste automobile, fit paraître dans "L'Auto" du 11 novembre, un article dithyrambique, peut être avait-il été sensible au banquet offert par la marque. C'est un chef-d'œuvre de louanges et de coups d'encensoirs.
Pour parvenir au but, il faut beaucoup de courage.Enfin, un beau jour de novembre on sortit la remorque, et l'équipe prit la direction de Gometz-le-Chatel. Ce n'était qu'une course de côte, mais pour un début, il convenait d'être modeste dans ses ambitions. Pour parvenir au but il faut beaucoup de courage, Amilcariste échaudé craint l'eau froide... On ne fut évidemment pas encore premier, mais cependant on se fit remarquer avec une troisième place derrière la 12 cylindres Delage et une 1500 ce. Talbot ; c'est quand même pas mal.
Retour dans l'enthousiasme, suivit de bien d'autres, l'avenir s'annonçait sous un jour nouveau. Bref, on allait enfin pouvoir se marrer un peu. C'était maintenant au tour de Morel et de ses petits copains, de se taper sur les cuisses en voyant arriver l'équipe Salmson sur le terrain. Celle-ci ne nourrissait plus guère d'illusions, par manque de préparation le 8 cylindres queue attendait comme le Messie, ne valant guère que le poids du métal le constituant. L'aluminium, bien que très prisé, ne pèse pas beaucoup dans la balance d'un ferrailleur (si généreux soit-il, et c'est rare).
Génération spontanée, multiplications chienliteuses...Bien malin qui osera affirmer, en se piquant d'infaillibilité quasi pontificale, combien il y eut exactement de 6 cylindres construites.
La cause est entendue, il y a les voitures "d'usine" et les "mulets", pas nécessairement les meilleures, ni les plus belles. Démontées et remontées sans cesse, elles finirent entre les mains de clients plus ou moins fortunés qui à leur tour les démontèrent et ne les remontèrent pas toutes... On en connaît dans certains "Pompéï de l'automobile", en pièces détachées depuis plus de trente ans, et couvées jalousement par des "pilotes-momies".
Il y a celles que les amateurs de l'époque achetèrent neuves, pour la plupart livrées avec des moteurs à paliers lisses, elles connurent des fortunes diverses. Les mieux loties furent nanties de moteurs à rouleaux, cependant la plupart d'entre elles ont été l'objet de viol à main armée, de proliférations chienliteuses : 4 cylindres latéral, quand ce n'est pas une mécanique de Simca 8, de Traction-avant ou d'Aronde. Un sort, une fin de prolétaire (le premier qui rigole, je lui susurre dans le creux de l'oreille, pas discrètement, l'adresse de leur cachette. De toute façon c'est le secret de Polichinelle ... ). Le ciel nous préserve à jamais de "l'amateur", l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Enfin, il y a la génération spontanée. N'ayant jamais vu le jour à Saint-Denis, elles sont le fruit du travail acharné, d'amateurs enthousiastes se livrant à un labeur d'enthomologistes Bénédictins. Ainsi le stock de châssis, moteurs et pièces neuves de Vernon Ball et Bone & Porter, fut racheté par Geoff et J.B. Lyndhurst qui mirent gaillardement en chantier leur troisième voiture, (quant aux deux autres, elles marchent fort).
Ouvrons une parenthèse. Toujours de l'autre côté de la Manche, il nous faut mentionner la Ridley Spécial de Lord Ridley. Il employa ses heures d'oisiveté et les revenus que lui procuraient son titre à la construction d'un moteur 746 ce. Monté sur un châssis de 6 cylindres, il battit quelques records dans sa classe jusqu'à ce qu'un accident vienne mettre fin à la carrière du pilote et de la machine. Passons sous silence, dans le même ordre d'idée,, la Crommard Spécial.
La meilleur part, presque celle du lion.
Une grande carrière commençait pour la petite Amilcar, qui se poursuivra jusqu'à la guerre. On avait viré à coups de "pompes" les fées Carabosses qui auraient pu se pencher sur son berceau.
Bref, c'était parti.D'origines diverses, pilotes chevronnés rescapés d'une préhistoire de l'automobile encore proche, amateurs de grand talent ou ténors confirmés du volant, Morel, Scaron, Moriceau, de Gavardie, Duray, Pousse ou Martin, grandirent avec la marque.
Que ce soit en course de côte au Val Suzon, à Gometz-le-Chatel ou Gaillon, en circuit routier comme aux Routes Pavées, la coupe de l'Armistice, sur piste Nlontlhéry, Miramas, dans les épreuves de longue durée, les 24 Heures ou le Bol, la 6 cylindres s'était rapidement hissée au rang des meilleurs, pas la part du lion, mais presque.
La faculté d'adaptation du véhicule était impressionnante, avec ailes ou sans ailes, monoplace ou biplace, le châssis était capable de s'aligner, avec chances, au départ de n'importe quelle épreuve.
Morel et Duray étaient les spécialistes des épreuves de longue haleine, et des records (pour la première fois le cap de 200 km/h. est franchi par une 1100 ce. à Arpajon). De Gavardie s'illustra au Bol d'Or. Moriceau alla porter la bonne parole à Indianapolis 1929. A cette occasion, une 1262 ce. à compresseur fut construite et engagée sous le nom de Thomson Produet Spécial. Un accident se produisit après quelques 90 miles, et il ne reste aux américains rien moins qu'un souvenir imprécis de cet évènement.
De toute façon un coup d’œil au palmarès de la marque, remplace avantageusement tout long bavardage.
Ménie Grégoire consolera vos désillusions.Il en reste encore beaucoup, on ne peut les compter sur les deux mains, il y a trop de voitures et pas assez de doigts. Vous ne les avez jamais vues ? (ce n'est guère étonnant, à part quatre ou cinq d'entre elles, aucune n'est en état de rouler (même sur une remorque).
là encore, si vous m'envoyez une jolie carte postale parfumée, ou une photo de votre grande sœur, je vous indiquerai leur adresse. Après vous pourrez avoir tout le loisir de téléphoner à Ménie Grégoire pour quelle apporte un remède à votre désarroi, console votre désillusions vous conseille un psychiatre.
Enfin pour résumer brièvement cette voiture, on peut dire sans la déprécier que c'est à juste titre une "voiture de course populaires".
Plus robuste qu'une Bugatti, moins Artistique peut être, elle était née de la logique simple du forgeron gaulois et non de l'éclair de génie du gentleman-bricoleur Milanais