Le Sandford de mon père

L'arbre de sortie et la roue sont liées par un clavetage:



qui est métrique; ce qui me surprend puisque la couronne est interchangeable avec celle des Morgan/Darmont paraît-il. Quoiqu'il en soit c'est du 6 mm.
La clavette elle-même:



posée ici sur un barreau de 6 dans lequel je vais en tailler une nouvelle:



est matée comme on le voit. Elle ne fait plus que 5,70  mm. On voit aussi qu'elle a été faite à la main, on distingue les coups de lime, touchant non?

Je change le roulement 305 (métrique) derrière le pignon par un 6305 à billes de même type. Et les RM8 à deux rangées de billes à portée sphérique de part et d'autre de la roue par des AMS8 SKF de la même dimension que les RM8 (1" x 2,5" x 3/4") mais à portée oblique qui sont bien mieux adaptés à ce montage.

(Je rappelle qu'une discussion parallèle sur les couples Morgan/Darmont se trouve ICI)

Ces trois roulements sont en commande donc: (à suivre)

Ma commande de roulements est arrivée:



De gauche à droite:
-AMS8 N°1 côté extérieur du montage
-AMS8 N°2 identique mais côté intérieur c'est à dire côté couronne dentée.
-6305 2RS qui va derrière le pignon

Les AMS8 sont à billes mais permettent une charge latérale comme des roulements à rouleaux coniques (moins de charge cependant)

Muni des nouveaux roulements j'ai commencé à remonter. Je vous préviens, c'était barbant jusqu'à présent mais ça ne va pas s'arranger.

Nous avons un montage semblable à celui-ci (qui m'a évité un dessin!):



Côté pignon:
L'arbre horizontal de droite portant le pignon est différent dans le Sandford. Le roulement est unique et à billes (gorge profonde) au lieu des deux rouleaux coniques opposés dans un palier indépendant. Peu importe, cela ne change pas fondamentalement le montage. Dans les deux cas on a un calage permettant de positionner le pignon par rapport à la couronne. Ici c'est le "shim at assembly for proper contact" (calage à l'assemblage pour un contact correct) de l'ensemble palier/roulements.  Dans le Sandford c'est un calage plus simple directement derrière le roulement (dans le carter et sur l'arbre):

renaud a écrit:

Un calage derrière la cage extérieure du roulement:



un autre bien vilain derrière la cage intérieure:

On voit qu'il y a un calage derrière la cage extérieure et un derrière la cage intérieure. Sans aucune cale ou en utilisant deux cales de même épaisseur le pignon est dans la même position.
En laissant une cale (l'extérieure par exemple qui fait 1,2 mm) et en faisant varier l'épaisseur de la cale intérieure en dessous de 1,2 mm ou au dessus, on voit que l'on peut déplacer le pignon vers la droite ou la gauche.  Dans le montage ci-dessus le concepteur a prévu une cale non nulle pour la cote nominale. Cela permet également de réaliser un calage en plus ou en moins du nominal théorique.

Côté couronne:
Dans le plan ci-dessus, en faisant varier les trois cales, on peut positionner pignon et couronne indépendamment.
Il faut pour que le couple conique fonctionne correctement:

1-assurer une tension (pre-load) des roulements de la couronne (sans le pignon) par le choix convenable de la somme des cotes des cales G et D. Toute diminution ensuite de l'épaisseur de l'une des cales pour déplacer la couronne vers la D ou la G devra être compensée par une augmentation égale de l'autre pour garder la somme des cotes des deux constante et ne pas changer la tension des roulements.

2-assurer un jeu de fonctionnement correct des dents par la position relative pignon/couronne

3-assurer une portée correcte des dents de l'engrenage à nouveau par la position relative pignon/couronne.

n.b: Bien entendu les points 2 et 3 ne sont pas indépendants, tant que l'on n'est pas satisfait de l'un des deux points il faut repositionner à la fois pignon et couronne tout en respectant le point 1.

Ce document donne les mouvements relatifs à donner au pignon et à la roue:


En 1 une portée correcte, sans charge à D et en charge à G. ("driving flank" est la face d'attaque de la dent)
En A et B portée incorrecte de la colonne de G vers la portée correcte de celle de D.

Calage:
Dans l'industrie on utilise des cales pelables (peel-off shims) qui sont un empilement de feuilles métalliques de 0,05 mm chacune par exemple. Mais une cale pelable de 0,5 mm (10 feuilles de 0,05 mm) coûtant 50 € HT j'ai abandonné l'idée séduisante d'en acheter 3 pour le montage!

Le montage Sandford est très voisin de celui plus haut. J'ai monté des roulements à billes à portée oblique fonctionnellement identiques aux rouleaux coniques pour lesquels je n'avais pas la place. La différence est juste que les "shims" haut et bas des couvercles n'existent pas dans le Sandford (il y a là un joint papier mince). La fonction de calage est réalisée entre le couvercle et la cage extérieure du roulement par une cale que j'ai déjà montrée:

renaud a écrit:

le couvercle de gauche:



comporte une cale de réglage du jeu. On en reparlera:

Le logement de la cale dans le couvercle fait 3,0 mm de profondeur. La cale faisait 3,2 mm. Côté droit il n'y en avait pas. Dans ce cas on peut en ajouter une mais on ne peut la réduire évidemment! La solution est de faire une cale se plaçant entre le carter et le couvercle si besoin est ce qui permet de bouger l'ensemble tournant vers la droite.

Et en fait c'est le cas constaté aux premiers essais. Voici comment je me passe de cales pelables:



pour positionner le pignon qui est monté à la presse très serré.



et la couronne.
Avec des clinquants de tôle qui ne coûtent rien!

(à suivre!)

Jusqu'a présent j'ai tout compris,
Il me reste a trouver un Sandford a restaurer comme celui de Renaud
Mais ou?

1600S a écrit:

Jusqu'a présent j'ai tout compris,

Salut à toi. Je ne prétendais pas que c'était difficile à comprendre, mais je développe beaucoup pour tâcher d'être clair et cela doit être un peu fastidieux à lire peut-être.

Citation :

Il me reste a trouver un Sandford a restaurer comme celui de Renaud
Mais ou?

Je suis très conscient de la chance que j'ai et j'essaie de la mériter!

La source d'inspiration a été pour moi le travail de David DD 009 ICI que je lisais avant d'avoir retrouvé le mien.

renaud a écrit:

Muni des nouveaux roulements j'ai commencé à remonter. Je vous préviens, c'était barbant jusqu'à présent mais ça ne va pas s'arranger.

Non, au contraire, c'est tout à fait passionnant, j'apprends beaucoup en te lisant

Merci de ces commentaires. Il y a des moments où je me demande jusqu'où je dois détailler!

Petite pause avec ce document qui montre que je ne suis pas le premier à avoir des ennuis avec le couple conique!

Continue Renaud, j'apprends beaucoup, si c'est barbant on fera l'école buissonière,
Beau devis "en centimes de francs ex Euros" qui pourrait être proche du chiffrage que tu aurais aujourd'hui en vrai Euros

Voici le calcul,le résultat est étonnant .....

Villard 350 a écrit:

Voici le calcul,le résultat est étonnant .....

Il n'est étonnant que lorsqu'on oublie qu'en 1933, c'était des anciens francs, pas des nouveaux.

Le résultat correct est 594 euros en équivalent actuel...

Oldtoys a écrit:

Continue Renaud, j'apprends beaucoup, si c'est barbant on fera l'école buissonière,
Beau devis "en centimes de francs ex Euros" qui pourrait être proche du chiffrage que tu aurais aujourd'hui en vrai Euros

Environ 600 € est ce que l'on doit payer actuellement pour un couple conique en effet. Mais à l'époque c'était main d’œuvre comprise tout de même.

Vous vous souvenez peut-être de ceci:

renaud a écrit:

Petite digression hors du sujet "couple conique" pour parler des mésaventures de mes sièges de soupapes.
Le 19 juillet dernier, je vous ai parlé de leur usinage:

renaud a écrit:

En cherchant chez Neway on trouve la fraise qui convient, 45 degrés et 1"1/8 (28,5 mm). Je n'ai pas trouvé de fournisseur en Europe. Et ceux des Etats Unis ne livrent que chez eux.
J'ai fait appel à mon ami James "the ZündappFool" (...)
Il m'a obligeamment commandé la  fraise CU268



qu'il a reçue depuis. Il me l'envoie, nous verrons.

Par économie, et parce que je n'étais pas particulièrement pressé, j'avais demandé à James de me les expédier par USPS qui est le service postal US. Grave erreur, le colis n'est jamais arrivé. Il semble bien que ce soit assez fréquent que des colis soient "perdus" par USPS.
Je lui ai demandé de faire une nouvelle commande et de me l'expédier via FedEx cette fois.
Wait & see...
(à suivre)

Eh bien le colis USPS posté le 24 juillet est arrivé le 24 septembre...

Entre temps j'en ai commandé un autre à mon ami Texan! Quelqu'un à-t-il besoin d'une fraise au carbure à rectifier les sièges de soupapes de Ruby?
Ou d'autres (45°, diamètre 27 à 30)

Voici la petite fraise Neway:
 
 
 
 
 Le corps fait 28 mm de diamètre. Hors-tout avec le dépassement des trois outils carbure elle fait 32 ce qui ne doit pas passer dans l'alésage de 60 du Ruby. Mais on peut déplacer un peu les outils vers le centre.

Je n'ai pas acheté le pilote que j'usinerai; 8 mm côté guide de soupapes, 3/8" côté fraise.
Le carré d'entrainement fait 1/2" donc une rallonge de clef à douilles convient (à l'envers!).

Petit gag qui n'a rien à voir.
Un ami venu dans l'atelier cette semaine voyant la queue du Sandford me dit "Ah tu avais un numéro de course!". Et il me montre que , selon un angle de vue particulier il restait une trace du 75 que nous avions à Montlhéry en 70.
Je n'avais pas vu ça!

Encre sympathique pour un sympathique engin, quoi !

Christian Cottes a écrit:

Encre sympathique pour un sympathique engin, quoi !

Ha ha, sympathique ami!

Sympathique ami,

Après cet échange de fleurs, je continuerais à ta place à rechercher quelque autre trace du temps sur la caisse. Les lauriers de la victoire, peut-être ?

Bonne soirée !

Christian Cottes a écrit:

Sympathique ami,

Après cet échange de fleurs, je continuerais à ta place à rechercher quelque autre trace du temps sur la caisse. Les lauriers de la victoire, peut-être ?

Bonne soirée !

Si j'en trouve ils iront dans une daube à partager avec des amis!

Salut Renaud,
J'arrive un peu après la bataille mais papa vient seulement de me dire que tu avais retrouvé le Sandford ! Du coup : lecture des différents posts (enfin presque tous) pour avoir un peu plus de détails sur cette aventure...
Et évidemment beaucoup de souvenirs... quand je jouais dedans à faire des courses imaginaires... Cette graisse dégueulasse pour protéger la carrosserie...Le hangar, le raisin...
Et puis le vol! les traces de plateau .... et la Traction qu'on a sauvé grâce à cette lamentable histoire.
J'avais tanné mon père pour qu'on la ramène à Brest et qu'on la restaure. Elle ne sort pas souvent mais je la vois tous les jours puisqu'elle est chez moi depuis l'accident de papa.
A bientôt,
Gwen

Bonjour Gwen,
Souvenirs, souvenirs! Deux décennies plus tôt que toi je "courais" aussi, gamin, dans le Sandford. Nous habitions pas loin de la famille de ton père et nous construisions ensemble des chariots de bois avec des roulements à billes comme roues pour dévaler la rue Voltaire...
A bientôt,
Renaud

Couple comique, suite (et fin bientôt, je l'espère...)
Il est temps en effet que cette histoire se termine.
Cette saga du cc a débuté début août:

renaud a écrit:

A la suite du travail sur les ressorts et amortisseurs du train arrière j'ai eu la malencontreuse idée d'ouvrir le couvercle du boîtier de couple conique.
Mon but était de jeter un simple coup d’œil à l'intérieur, de vidanger la vieille huile, nettoyer et refermer tout ça pour passer à autre chose...
Quelle naïveté!

Je confirme!

Pour matérialiser la portée on utilise normalement du "bleu". Je n'en ai pas mais j'utilise de la peinture à l'huile d'artiste en tube. On enduit les dents du pignon et on fait tourner l'engrenage en entraînant la couronne, successivement dans les deux sens, à la main. (Vous avez vu que j'ai mis de la peinture jaune sur la couronne au début mais c'est inutile). La peinture se dépose sur les dents là où cela porte, naturellement. Bien entendu la portée est mauvaise et donc à chaque fois il faut:

-déposer le chapeau de droite (arbre de sortie)
-sortir l'arbre provisoire et le roulement de droite
-enlever la couronne par le haut
-extraire par l'arrière l'ensemble pignon/arbre/roulement au moyen d'un petit extracteur "maison":



(La petite cale pentue en bois, en haut à gauche, empêche le pignon de tourner pendant que l'on tire)

-nettoyer les dents pour enlever la peinture.
-extraire le pignon de l'arbre à l'arrache moyeu et éventuellement son roulement à la presse s'il est nécessaire de modifier la cale derrière la cage intérieure.
-reposer pignon et roulement dans ce cas
-remonter le cc dans l'ordre inverse en ayant changé le calage dans le sens et de la valeur qui semblent bons (et qui ne le sont pas...) pour respecter toujours:

renaud a écrit:

1-assurer une tension (pre-load) des roulements de la couronne (sans le pignon) par le choix convenable de la somme des cotes des cales G et D. Toute diminution ensuite de l'épaisseur de l'une des cales pour déplacer la couronne vers la D ou la G devra être compensée par une augmentation égale de l'autre pour garder la somme des cotes des deux constante et ne pas changer la tension des roulements.

2-assurer un jeu de fonctionnement correct des dents par la position relative pignon/couronne

3-assurer une portée correcte des dents de l'engrenage à nouveau par la position relative pignon/couronne.

-mesurer le jeu au comparateur perpendiculairement à la dent, en périphérie pour le point 2:



 (0,1 ici, insuffisant!)


-remettre de la peinture sur les dents du pignon
-faire tourner la couronne...
-et on recommence

Je vous la fait courte mais j'ai démonté et remonté le tout plusieurs dizaines de fois pour trouver une position respective pignon/couronne qui assure une portée correcte. Vous noterez que je ne repose pas le taquet de blocage du roulement de pignon qui est juste au dessus. Ce roulement est dur dans son logement et une fois mis en place (au jet d'alu) il ne bouge pas.

Voici la portée de départ avec les roulements à portée oblique mais avant réglage :


(entraînement en marche avant seulement)

contrairement à la portée initiale qui se produisait à trop à l'extérieur de la couronne et du pignon, celle-ci est trop vers l'axe.

Et la portée finale à laquelle j'arrive:


(à droite , marche avant)

J'ai un peu triché pour qu'elle évite l'extérieur des dents.

******************************************************************************


L'engrenage étant réglé je remonte le tout.

Sans oublier l'entretoise (placée grâce à la petite pince)sur le long boulon tenant les tirants d'amortisseurs:
(je l'avais en fait d'abord oubliée...)


 
 Vue de dessus générale avant de mettre le couvercle:
 

   
 Vue latérale côté droit avec le gros pignon de chaîne de un pouce et la poulie en alu en deux parties du tachymètre (non serrée):



et serrée:



Vue arrière avec le petit capot sur l'ouverture qui permet de sortir l'arbre de boîte avec pignon et roulement:



Toutes ces manipulations ont abîmé la peinture. Il y aura des retouches à prévoir.

Fi-ni!

Remontage du moyeu arrière.

Les roulements étaient excellents, je les ai gardés.
Côté roue, à gauche donc, c'est une rangée de billes. Remis en place à la presse:



Le couvercle se visse en bout de l'arbre creux.
J'ajoute un petit cercle de papier à joint indéchirable pour essayer de garder la graisse dans le roulement:



A l'exception de ce roulement déjà posé voici les pièces qui s'empilent sur l'arbre creux, à droite de l'épaulement:
 


Le second roulement, contre l'épaulement, est à double rangées de billes.
L'écrou six pans devrait être tout à fait à l'autre bout. Il serre l'arbre creux sur le bras de suspension.

Voici ce roulement en place avec son capot de protection:
 


et l'entretoise entre les cages intérieures des roulements:



L'ensemble prêt à être monté à la presse:



Et monté. Les roulements sont graissés au bisulfure de molybdène:



L'écrou en bout d'arbre monté au frein filet faible:







(à suivre)